Les bijoutiers créent une société d'importation d'or pour lutter contre le marché parallèle et réduire les prix

Économie de l'Est
Les bijoutiers marocains s'apprêtent à lancer une initiative historique dans le secteur de l'or en créant une société spécialisée dans l'importation du métal jaune, dans le cadre des efforts visant à lutter contre le marché non réglementé et à sortir du cercle de la dépendance à l'égard des intermédiaires informels. Cette étape importante est placée sous les auspices de la Fédération marocaine des bijoutiers et vise à résoudre un problème structurel de longue date sur le marché marocain.
Idriss El Hazzaz, président de la Fédération marocaine des orfèvres, affirme que cette étape est nécessaire pour formaliser le secteur, qui souffre depuis des années de problèmes d'approvisionnement. Il explique que le secteur attendait ce moment depuis de nombreuses années, car le véritable obstacle était la question des avances imposées par l'office des changes, mais qu'aujourd'hui la situation est enfin favorable pour aller vers la formalisation du secteur.
L'industrie de la bijouterie est confrontée à une pénurie de matières premières depuis des années, et la principale raison de cette pénurie réside dans l'écart entre les avances demandées par les fournisseurs et celles autorisées par les autorités marocaines. Les fournisseurs d'or étrangers exigent des avances élevées avant toute expédition, ce qui est la norme dans le secteur, où les marges de sécurité financière sont la règle.
En revanche, l'Office des changes réglemente les avances de paiement pour des raisons de prudence fiscale. Les fournisseurs étrangers exigent une avance de 80% à 90% avant la livraison, alors que le cadre marocain n'autorise traditionnellement qu'une avance de 20%. Le marché informel se présente donc comme une solution alternative, mais avec des risques et des coûts supplémentaires.
Cette différence de seuils coûte cher aux bijoutiers et aux consommateurs, car la grande majorité des bijoutiers se retrouvent sans accès direct aux matières premières et dépendent d'intermédiaires qui trouvent des moyens informels de se les procurer. Ces filières imposent leurs propres tarifs, alimentant la pénurie et générant des coûts supplémentaires qui se répercutent toujours sur le prix payé par le client.
Lorsque le marché informel domine, un gramme est vendu à un prix beaucoup plus élevé qu'il ne devrait l'être, jusqu'à 100 AED au-dessus de la référence internationale. Il s'agit d'une taxe invisible qui pèse sur le consommateur et qui compense les risques logistiques et juridiques et les rentes des intermédiaires. Tant que l'importation directe restera impraticable, cette prime ne disparaîtra pas.
Plutôt que de laisser chacun négocier seul un compromis impossible, les orfèvres ont choisi de se regrouper au sein d'une société d'importation unifiée. Ils ont décidé de créer une société d'importation d'or, seul moyen de sortir du marché informel et d'assurer un approvisionnement régulier. Les statuts sont en cours de finalisation, un expert-comptable accompagne le processus et un dialogue a été engagé avec les autorités compétentes.
Pour pouvoir payer la totalité ou la quasi-totalité d'une facture pour laquelle les marchandises n'ont pas encore été reçues, la société doit disposer d'un certificat de référence, qui ne peut être délivré qu'après deux ans d'activité. Toutefois, la Fédération marocaine des bijoutiers s'est vue promettre un assouplissement exceptionnel de cette exigence par la douane.
Dans leur cas, après avoir discuté avec les parties concernées, ils ont obtenu la promesse des douanes qu'ils recevraient leur certificat de référence (CdR) avant cette date limite. En pratique, ils sont passés de deux ans d'activité officielle à un an, puis, à force de persévérance, à six mois pour obtenir l'intégralité de la licence de paiement international.
Au niveau économique, les effets attendus sont clairs. L'offre augmentera, l'informalité diminuera et la formation des prix deviendra plus claire. Le secteur attend ce moment depuis des années, et aujourd'hui les conditions sont réunies pour passer à la formalisation. Les orfèvres espèrent des effets rapides d'abord sur l'offre, qui deviendra plus régulière, et sur les prix, qui devraient se rapprocher du marché international.
Plusieurs points restent à trancher. L'entreprise sera-t-elle à but lucratif, ajoutera-t-elle des marges, même faibles, aux prix d'achat pour les revendre ensuite aux clients ? Il est évident qu'il y aura des frais de gestion, car lorsqu'un bijoutier importe, le processus implique de nombreux frais, mais à la différence du marché informel, ceux-ci devraient être limités entre 2% et 3%. Cependant, contrairement au marché informel qui demande une augmentation d'environ 10%, ces frais devraient être maintenus entre 2% et 3%.
En pratique, si le kilo d'or est évalué à un million de dirhams, les frais varieront entre 20 000 et 30 000 dirhams par kilo. L'importation n'est pas ouverte à tous les bijoutiers, mais exclusivement aux associés actionnaires. Cependant, tout bijoutier souhaitant rejoindre la société est le bienvenu, comme le souligne Idriss Al Hazzaz.
Cette initiative représente un changement de paradigme dans le secteur marocain de la bijouterie, car elle devrait améliorer la qualité des services et réduire les coûts pour les consommateurs, tout en améliorant la transparence du marché et en garantissant la stabilité des prix conformément aux normes internationales.
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